Dernier jour 12h30

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Bloomberg, San Francisco, aujourd'hui, 12h30. Droïds Incorporated annonce une année record avec une prévision à la hausse de son chiffre affaire et de son bénéfice. L'action a immédiatement pris 9% à l'ouverture de New-York. Les récentes démonstrations des capacités extraordinaires des dernières générations ont en effet attiré une attention soutenue. On notera en particulier les imitations féminines, toujours plus affolantes de réalisme, dont les versions bas de gamme seront accessibles pour le prix d'une grosse voiture. Les versions militaires sont nettement plus coûteuses, mais impressionnantes d'efficacité sur le terrain, en particulier grâce à leur peau à effet caméléon qui les rend pratiquement invisibles dès qu'elles s'immobilisent.

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Michael et Ada coururent dans les rues, suivant méticuleusement les instructions de Rita qui les faisait s'arrêter et repartir, un jeu de cache-cache fatal où la vivacité de Rita pour neutraliser les caméras sur leur chemin rivalisait avec leur vitesse d'exécution. Ils se cachèrent au premier sous-sol d'un garage souterrain, dans un coin sombre derrière une voiture pleine de poussière. Ada attendit d'avoir recouvré son souffle pour demander à Michael :

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

Michael secoua la tête.

— Il y avait quelqu'un dans l'allée. Il avait une tenue de combat caméléon.

— Et il était loin ?

— Non, tout près ! Juste de l'autre côté de la rue !

— Les manipulations des vidéos que Rita a détectées, c'était sûrement lui ! Il nous cherchait.

— Oui. Il était caché le long du mur en face, et son camouflage était super efficace. Il a dû commencer à remonter la rue très peu de temps après que tes copains nous aient cachés. Quelque chose me dit qu'on l'a échappé belle. Ce flic et son chien nous ont sauvé la mise.

Rita intervint :

— Je vous avais dit de vous dépêcher.

Michael secoua la tête.

— Schwartz ! On a beau avoir vu ces trucs-là à la télé... En vrai, ça fout les jetons. Sans ce chien...

— Qu'as-tu vu exactement ? demanda Ada.

— En fait, il n'y avait rien à voir ! C'est juste que son camouflage ne suivait pas parfaitement le mouvement, juste des défauts intermittents sur les bords, une sorte de flou qui bougeait, surtout quand il s'est écarté du mur pour déposer son arme.

— Pour faire quoi ? demanda Ada avec un pincement au cœur.

Michael secoua la tête à nouveau, le visage déformé par une grimace de perplexité.

— Je sais que c'est dingue, mais je l'ai vu ! Je ne sais pas pourquoi il a fait cela. Il est venu poser un pistolet à côté du flic.

— Michael, fit Ada, il faut que je te dise quelque chose.

Elle fut interrompue par Rita.

— Les collègues du policier en question viennent de rompre leur silence radio pour informer leur chef de son état : il est mort.

— Oh ! fit Ada en mettant sa main sur sa bouche. Des larmes avaient jailli de ses yeux. Michael la regarda, perplexe. Il était affecté par la nouvelle de ce décès, mais il ne s'expliquait pas qu'Ada soit à ce point bouleversé. Après tout, ils n'y étaient pour rien du tout, et ils ne connaissaient pas cet homme. Rita dit lentement et distinctement :

— Ada, ils viennent de trouver tes empreintes sur l'arme.

Michael ouvrit de grands yeux. Ada hocha la tête, le visage déformé par le chagrin et la contrariété.

— C'est ce que je voulais te dire : c'est l'arme que j'avais au Zanzibar.

— Tu avais une arme ?

— Heureusement ! Sinon ton Loulou ne m'aurait pas laissée repartir avec cette maudite carte réseau.

— D'où sortais-tu un engin pareil ?

— C'est Lise qui me l'a donnée. Schwartz, Michael ! Si j'avais eu deux sous de bon sens, je l'aurais reprise, là, tout à l'heure, quand je l'avais sous mon nez ! Je l'avais reconnue ! Pourquoi est-ce que je ne l'ai pas prise ?

— Et Schwartz ! Mais comment est-elle arrivée entre les mains de ces mecs ?

— Je l'avais jetée dans une poubelle en sortant du zanzibar. J'ai tiré sur un type là-bas pour avoir cette carte. Je l'ai blessé. Je voulais me débarrasser de ce flingue.

Michael ouvrit de grands yeux. Il grimaça en fronçant les sourcils.

— Quoi ?

Ada hocha la tête.

— Oui. Je sais. C'était con de ne pas avoir effacé les empreintes. Mais surtout, ça veut dire que quelqu'un me pistait depuis le début. Et que c'est moi qui l'ai amené sur toi. En fait, c'est encore mieux que ça : ils sont deux. Il y en a un qui nous a suivis dans le sous-sol de la piscine, et l'autre a fait un grand tour pour nous attendre de l'autre côté. C'est ce deuxième homme qui a été surpris par le flic... Et il l'a tué avec l'arme que j'avais jetée dans cette poubelle.

— Schwartz !

— Tu ne crois pas si bien dire ! Il l'a fait exprès ! Michael, ce fumier a tué cet homme pour m'enschwartser !

Elle était estomaquée par la réalisation.

« Est-ce que tu comprends ce que cela signifie ?

Michael secoua la tête.

« Cela veut dire qu'ils veulent notre mort, mais ils ne veulent pas nous tuer directement ! Il faut que ça ait l'air d'une bavure ou d'un accident ! Tu comprends ?

— Non.

— Michael, réfléchis ! S'ils voulaient seulement nous descendre, ils l'auraient fait dans le souterrain, tranquillement. Imagine un peu, équipé comme ils le sont ? Imagine un peu ? Dans un environnement comme ce souterrain, on était à peu près aussi redoutables que des cafards pour des mecs comme ça, avec ou sans Rita ! Tu l'as vu toi-même, ce microdrone qui attendait : ils savaient qu'on était là ! Ils attendaient qu'on sorte, ou que la police arrive, peut-être les deux en même temps.

Michael fit une grimace :

— Les deux en même temps ?

Ada haussa les épaules.

— Une bavure est si vite arrivée.

— Oh Schwartz !